Le slogan venu de ChatGPT

Pour l’un de ses projets au secondaire, un ami dans le groupe de mon fils a eu l’idée de demander à ChatGPT de trouver un slogan accrocheur. Ils ont reçu quelques propositions de l’intelligence artificielle (IA) et ils ont décidé d’en sélectionner une. Voilà que mon fils revient à la maison et raconte cela, comme une idée tout à fait normale : « Pour trouver notre slogan, on a demandé à ChatGPT. »

Je ne suis pas réfractaire à la technologie. J’ai étudié en littérature d’abord, mais ensuite en communications et technologies. Dans ma chambre de résidence universitaire, il y avait des piles de livres, mais aussi un gros ordinateur que je bidouillais pour booster sa mémoire, installer un disque dur, changer la carte graphique. Puis les téléphones « intelligents » sont arrivés quand j’ai intégré le marché du travail, ces petites merveilles portables. Et finalement, ce fut la révolution des réseaux sociaux qui m’ont permis de retrouver les amis du secondaire, c’est-à-dire ceux de la génération des ordis à écrans verts où on insérait des disquettes molles…

Mon fils fait partie des jeunes qui auront grandi avec l’intelligence artificielle dans leur pedigree scolaire. Une chose normale parce qu’elle fait partie de leur entourage depuis l’entrée au secondaire. Il ne ressentira pas, comme moi, la surprise devant l’idée d’un slogan venu de l’IA.

Toutefois, je suis assez grande maintenant pour savoir que toutes ces technologies qui ont transformé ma vie d’adolescente et d’adulte n’ont pas toujours été utilisées pour mon bien. Parce que le téléphone permet de transporter le travail partout, on parle maintenant de « droit à la déconnexion ». Parce que les écrans omniprésents modifient le cerveau des petits, avec des effets sur la lecture, le langage, le TDAH et l’isolement social, on nous donne des recommandations sur le temps d’utilisation des écrans en même temps que l’épais guide Mieux vivre avec notre enfant.

C’est un peu compliqué de s’y retrouver avec tous ces conseils, et ce n’est pas facile de les appliquer quand la technologie est devenue si essentielle dans nos vies qu’il faut une loi pour interdire le cellulaire dans les classes au secondaire. À chaque fois, nous réagissons en retard, après avoir constaté certains effets négatifs. Alors que les habitudes sont installées, avec des conséquences qui sont déjà bien présentes.

L’IA vient tout juste d’arriver dans nos vies. « ChatGPT » a été choisi comme mot de l’année par The Economist en 2023. Et en tant que parent, je m’interroge non pas sur l’utilité de l’IA (dont je ne doute pas), mais sur les encadrements qu’on devra sans doute y mettre. Et je n’ai pas vraiment de réponse, même si je me renseigne beaucoup sur le sujet en écoutant des gens qui en savent plus que moi.

J’ai demandé à mon fils s’il avait avisé la professeure de l’utilisation de ChatGPT. L’enseignante a effectivement été étonnée qu’ils aient pensé à cet outil. Elle a jugé que c’était ingénieux. Et que pour les prochains projets, il faudra maintenant définir si l’utilisation est permise, car on ne peut plus laisser le sujet dans le flou… Car cette réflexion va bien au-delà des parents, elle concerne toute la société, et elle ne fait que commencer.

Valérie Harvey est sociologue, spécialisée sur la famille, tout particulièrement l’implication des pères, qu’elle a étudiés au Québec et au Japon. Elle fait aussi des recherches sur les mangas qu’elle enseigne à l’université. Elle est autrice de plusieurs romans, essais et livres jeunesse, surtout à propos du Japon, influencée par ses trois années à Kyoto. https://nomadesse.com/

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