Les enfants mal habillés

13 March, 2024 • Par Samuel, Nouveaux Pères

Je suis l’heureux père de trois enfants : Marguerite, Lambert et Joséphine. Il fut une période où, en fonction de notre routine familiale, c’était moi qui les préparais le matin avant d’aller les reconduire à la garderie.

Au début, ma conjointe Marie-Noëlle trouvait que je les habillais très mal. Bon, un observateur indépendant conclurait qu’elle n’avait pas tout à fait tort. Je l’avoue, j’ai des goûts vestimentaires discutables. (J’ai longtemps pensé qu’un bermuda fleuri avec un polo rayé, c’est un méchant beau fit. Voyez le genre.)

Toujours est-il que pour pallier la situation, Marie-Noëlle a d’abord suggéré d’habiller les enfants elle-même tous les matins. Une fausse bonne idée qui, rapidement, s’est avérée inapplicable en raison de nos horaires respectifs. À la place, Marie a donc proposé de préparer chaque soir les vêtements que les enfants porteraient le lendemain. Moi, j’aurais juste à enfiler leur linge le matin, sans me poser de questions. Quel beau compromis !

On a fait ça une semaine. Et on a convenu tous les deux que cette façon de procéder était stupide et contraire à notre conception du partage équitable des tâches familiales. Il n’était pas question que, pour le reste de notre vie, elle soit le seul parent à choisir les vêtements de nos enfants.

Depuis, si c’est moi qui prépare les enfants le matin, c’est moi qui choisis leurs vêtements. Je ne suis pas encore un styliste de mode, mais mon œil s’est raffiné ! Et ma blonde a accepté que les enfants ne soient pas toujours habillés exactement comme elle le voudrait. Parce que c’est ça, un vrai compromis.

Un travail d’équipe, pas une guerre de tranchées

J’aime raconter cette anecdote parce qu’elle illustre bien les dynamiques qui sont encore à l’œuvre dans bien des couples et qui génèrent quantité de tensions et de conflits autour d’un même thème : la charge mentale.

Sur Internet, les débats sur le sujet me fascinent toujours. Ils prennent vite des allures de combat de boxe. Dans le coin gauche, des mères à bout de nerfs – parfois avec raison, on s’entend – qui dépeignent leurs conjoints comme d’heureux imbéciles, incapables d’aller acheter du pain et du lait au dépanneur sans qu’on leur écrive une liste sur un bout de papier. Dans le coin droit, des pères qui vivent dans le déni et rétorquent qu’ils en supportent une aussi, une charge mentale. « Qui est-ce qui s’occupe de la tondeuse pis de la piscine, han ? »

Ces échanges font du bien à plusieurs, sans doute. Ils servent d’exutoire et permettent de ventiler. J’ai bien peur qu’ils ne règlent pas grand-chose, toutefois.

Partager équitablement la charge mentale et les responsabilités familiales dans un couple devrait être vu comme un travail d’équipe, pas une guerre de tranchées. Déconstruire les vieux réflexes hérités du passé qui nous amènent, tous et toutes, à reproduire les rôles associés à nos stéréotypes de genre, ça se fait à deux.

Ça prend d’abord et avant tout des pères engagés, lucides et qui reconnaissent l’enjeu, évidemment, mais aussi des mères qui apprennent à laisser aller et à faire confiance. Ça prend des parents qui se parlent, s’écoutent et savent reconnaître les bons coups et les bonnes idées de l’autre.

C’est le défi commun de tous les parents de notre génération. Aucun couple n’y échappe. Et chaque enfant qui se présente habillé un peu tout croche le matin, dans une école ou une garderie quelque part au Québec, représente une petite victoire de plus dans notre bataille collective.

 

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